lundi 31 mai 2010

en fin


la dernière image de notre hôte marathonienne à St Julien Molin Molette, Delphine Simon

Le marathon des (h) - Mai 2010




J’ai une copine, elle a eu des problèmes.
On l’a retrouvée dans un champ, les yeux bandés.
Moi peinard dans mon escaravaneJe tourne la manivelle de ma boite à cauchemar.

Ce serait une fois, il ferasse nuit, sans un sourire de lune, pas la moindre lueur de poire.

Cette fille n’a aucune chance de s’en sortir.
Sa langue est coupée net à la lisière de son palais. Elle est dehors, dans un champ de blé embrouillé de cheveux
Des cheveux
Une carte postale de cheveux
Un champ de champ de cheveux de traverse.
Je veux ces cheveux. Je veux cette fille moi, moi, moi-moi-moi, cette fille et moi.
Je trempe comme un vieux drap pendu à la fenêtre, je goutte à goutte, c’est pas dieu poss tant-tant sa nuque me connardise.

C’est une fille, peut-être un peu jolie.
Ensemble dans les autrefois on sautait des frontières
On s’essorait aux cordes à linge
Moi, la fille et moi on se drapait dans des plis de rivière
Les parents nous cherchaient mais nous, on s’enfourchait complètement

Elle a les yeux bandés il fait noir-noir sur le bord de la route.
Comme on ne voit pas son visage, elle n’a pas pris une ride depuis nos aurores à califourchette.

Elle bande
Je passe ma langue sur l’énectar de blés qu’elle a pris soin de mélanger à ses cheveux.

Dénouez moi ce fil à couper les cheveux en quatre d’une fille qui s’ennuie à flétrir dans un nectar de vigne.
Loin, plus loin, au bout du bout du très bout dans mon escaravane je broute le minou d’une limace bleue.
A la fin, on bavera de conserve sur la fille aux yeux célo-fanés.

Alors c’est ça l’histoire de cette fille ?

Non, il doit y avoir un mort quelque part.
Elle a tué son père, elle a tant-tant honte qu’elle a dégobillé ses yeux.
Un mort sale, des morceaux, se dit-elle, tandis qu’elle s’escargote vers sa petite maison blanche.

Non, elle sort de chez le coiffeur.
Elle s’est fait des rajouts, ton sur ton, en plus frisé, un châtain clair tirant sur le nègre marron.

Non, c’est un garçon, il a les cheveux long c’est un adorateur de Jésus Christ. La caravane passe. Dedans sa bouche le vent aboie.

Non, non, non, c’est une bille, elle a roulé toute la journée!
Elle s’est couvert de serpillière puis, de guerre lasse, braqué une banque en bande organisée. Maintenant elle a faim elle mangerait un bœuf.

Non, c’est la cousine du père queutard, elle a perdu à la roulette l’argent de sa mère avortive.

Non, c’est une camée, le nez dans la poudre à longueur de fournée.
Dedans son cul de pleine misère, plumardent les embourgeoisés.

Non ! C’est la fille du caravansérail, une éventreuse de danse indigène, je m’en souviens elle se nombrilait au soleil en fredonnant des airs manouches et moi, moi, et moi, moi-moi-moi, cette fille, je grattais déjà dans ses paumes les numéros du loto gagnant.

Non. C’est une madame sans gène et sans ADN. Une mémoire blanche garée là-haut sur le bord de l’autoproute.

Je l’appelle, et je lui dis : t’es nulle, tu touches plus une caravane. Lâche l’affaire, va relinger ta carcasse, t’es pleine de vices et fagotée comme une poutrelle.
Avant je voulais te construire un ciel de traîne pour qu’on y glandouille à toison.
J’voulais ton beurre ET ta biscotte.

Puis tu t’en vas, puis tu reviens, et là, là, et là, tu veux jouer à colin maillard ?

Elle a opiné du bonnet
Ni une ni deuze
Moi peinard dans ma caravane j’ouvre la porte à mon cauchemar.

samedi 29 mai 2010

RV Pyramide

Registre des dons

Marie Coste......................300 ml
Lucie Oriol.......................600 ml
Angèle Chaize..................200 ml
Margot Combes...............400 ml
Catherine Sagès...............900 ml
Jeanne Rouche................600 ml
Pélagie Rouche................450 ml
Louise Dumas.................450 ml
Sophie Vergne.................200 ml
Louise Popard.................450 ml
Claudine Porte................450 ml
Rose Cannet....................350 ml
Géraldine Pacalet...........450 ml
Marthe Béreau...............450 ml
Mme Magnard...............400 ml
Joséphine Sabot.............450 ml
Clémentine Jabalier.......250 ml
Agathe Charmin.............350 ml
Régine Guigal.................600 ml
Marie Thérèse Cognet....300 ml


(chapitre 8. à suivre)

RV Pyramide

Chargé de casting

Violaine m'a mis au recrutement. Dans la rue, sur les places de marché, ou encore tout un immeuble, palier par palier. Le truc c'est de commencer comme un sondage :
- Bonjour Madame (ou Monsieur) puis-je vous poser quelques questions pour une enquête. Ça prend très peu de temps. Voilà, première question : « Est-ce que vous avez déjà donné votre sang ? »
Et les réponses :
- Le don du sang j'ai rien contre. Je l'ai fait une fois que je passais devant. C'est juste que c'est pas sur mon chemin. Ils viennent pas dans le quartier.
- Le don du sang, j'y pense souvent, surtout donner les plaquettes, comme mon beau père – parfois il est relié directement à un patient, mais sans le voir. Je dois avouer qu'il y a un frein, je sais pas pourquoi.
- Non, je suis homosexuel et le don du sang est interdit aux homosexuels. Je précise que je suis donneur universel.
- Moi ? Pourquoi ? Si j'ai déjà donné mon sang ? Une fois c'est tout.
- Le don du sang, je me souviens plus. Je crois pas.
- J'ai déjà donné ma vie, mon petit gars, je donne pas mon sang en plus.

Violaine a conclu que j'étais juste bon à tenir les registres.

(chapitre 7. à suivre)

RV Pyramide

Scène coupée

Couper les rondelles de saucisson, j'ai pas tenu jusqu'à la deuxième. À peine ai-je commencé à préparer le casse-croûte, l'image de l'amputé a surgi. La lame de mon couteau sur la pièce de charcuterie, le ruban de la scie mécanique sur les doigts de l'apprenti, il y a eu un mélange, comme une superposition explosive. Je me suis retrouvé pour la seconde fois couché par terre dans le camion, mais quand je m'éveillai l'infirmière n'était pas là. Il faut saisir sa chance quand elle passe. Après c'est plus la peine. Encore une histoire de foutue.

(chapitre 6. à suivre)

RV Pyramide

Travelling avant

Une fois démontrée mon incapacité comme simple donneur, on m'a confié des responsabilités plus importantes à l'Amicale. J'étais chargé de rassurer les nouvelles recrues avant la première ponction. Je me tenais tout vigoureux dans l'entrée, je pressais un tampon rougi à la saignée de mon bras et je disais aux arrivants que ça ne faisait pas mal. « C'est rien du tout, une vraie rigolade ! » voilà ce que j'ajoutais en conclusion, mais Violaine m'a fait remarquer qu'il n'était pas bon de minimiser la gravité du don, qu'il fallait au contraire valoriser l'engagement des bénévoles. « Si tu crois, me dit-elle, qu'ils viennent juste pour manger une rondelle de saucisson après le prise de sang, tu te goures. Il leur faut de l'héroïque, une épreuve à surmonter, un dépassement de soi-même. Sinon faudra les payer, y a plus d'Amicale qui tienne. » Et elle m'a encore changé de poste.

(chapitre 5. à suivre)

RV Pyramide

Scène d'amour

J'ai fini par dire oui. Je me suis retrouvé le mois suivant à monter dans le camion de la Croix Rouge qu'on avait garé devant l'école, j'ai retroussé la manche de ma chemise et j'ai tendu mon bras. L'infirmière m'a posé le garrot, elle a palpé ma veine, elle a passé le désinfectant, elle dénudé son aiguille, et c'est à ce moment là que j'ai perdu connaissance. J'avais oublié que je ne supportais pas la vue du sang, l'idée-même du sang, enfin le mien, celui des autres c'est pas pareil. Quand je suis revenu à moi, on m'avait allongé par terre, l'infirmière accroupie me pressait un chiffon mouillé sur les tempes et me parlait à l'oreille. Son visage était tout proche du mien, et je vis qu'elle n'était pas inquiète. Je vis aussi la lumière jouer dans le duvet de sa joue. Un de ses cils détaché faisait comme un coup d'ongle émouvant sur sa pommette. J'étais prêt à l'aimer pour toujours lorsque je remarquai le regard désapprobateur de Violaine, pendant qu'elle rayait mon nom du registre des donneurs. Puis elle se leva de son bureau et elle sortit du camion.

(chap 4. à suivre)

RV Pyramide

Scène de crime

Je me souvenais du jour où l'apprenti avait eu le doigt pris dans le ruban de la grande scie mécanique. Tout le morceau avait sauté d'un coup, deux phalanges par terre, le gamin gueulait en se tenant la main, et le sang jaillissait à la racine, chaque battement de cœur giclait tout rouge dans la poussière. Je m'étais dit « toi mon petit t'as trop reluqué la patronne au lieu de contrôler ta scie. » A croire qu'elle le faisait exprès, de se tenir comme ça en biais dans l'atelier, accoudée à un établi, la main posée sur le col d'un outil, le genou appuyé contre une pièce en suspens, ou la taille courbée comme une arche de fenêtre au ponçage. Ça va bien pour un visiteur désœuvré comme moi, qui se laisse pas distraire de ses rêves, ou un blasé comme Miguet, tout à son ouvrage et à la satisfaction du client, mais avec un jeune qui doit tout apprendre et qui veut tout découvrir, un qui arrive pas encore à trier, là, pas de doute, c'est un crime.


(chapitre 3, à suivre)

RV Pyramide

Scène de transition

J'étais assis en équilibre sur une poutre, dans l'atelier. Violaine poursuivait sa démonstration, elle repassait toutes ses bonnes raisons au rythme même du rabot que Miguet faisait courir sur une planche. Sans doute n'écoutait-il pas plus que moi. Il connaissait déjà la chanson. Les copeaux réguliers qui tombaient sous ses mains recouvraient le sang imaginaire, et Violaine continuait son discours plein de conviction, sans se douter qu'elle se vidait lentement de sa substance. « Le sang faut pas le gaspiller ! » s'écria-t-elle soudain, en bonne gestionnaire des stocks de l'Amicale des Donneurs Bénévoles. Dompté, j'arrêtais aussitôt l'hémorragie, mes yeux résorbèrent les flaques invisibles, épongèrent le gâchis, rincèrent tout l'atelier, puis revinrent se poser sur le pied de la Présidente. Il était toujours aussi blanc, aussi vif, et la veine intacte apparaissait par transparence.

(chapitre 2, à suivre)

RV Pyramide

Scène d'exposition

Je n'avais pas tellement envie de devenir donneur de sang bénévole, mais Violaine, la présidente de l'Amicale, ne se laissait pas décourager si vite. Ses arguments ne manquaient ni de sincérité, ni de pertinence. Et sa cambrure de pied était bien charmante. Pendant qu'elle m'expliquait comment il lui fallait trouver de nouveaux donneurs, et pourquoi les besoins augmentaient sans cesse, je regardais la petite veine tentatrice battre à sa cheville, je me figurais enfoncer un trocard d'acier sous sa peau diaphane et lui placer un cathéter. J'ouvrais la petite vanne. Le sang, lisse comme du vin, se mettait à couler dans la sciure de bois, d'abord goutte à goutte, puis d'un filet continu, tranquille et généreux, emplissant le creux des copeaux qui jonchaient le sol, irriguant peu à peu toute la menuiserie de Monsieur Miguet, le mari de Violaine.

(premier chapitre d'un texte en cours d'écriture, Marathon du 28-30 mai 2010, à suivre)

1, 2, 3.... écrivez

mercredi 19 mai 2010

mercredi 5 mai 2010

le journaliste, Zéphir et les (h)auteurs




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