mercredi 31 mars 2010

A mes camarades et mes ami(e)s


... la vita nova selon Jean-Pierre Martin


Ces moments où l'on désire, contre l'habitus, changer de vie, d'avis, de voix, de nom, de langue ou de corps, ces efforts presque surhumains en vue de muer, muter, se rendre méconnaissable aux yeux des autres, ces événements épuisants, où tout à coup l'être de corps et d'esprit que l'on croyait formé à jamais, aussi rigide qu'une ossature, se démantèle et s'ouvre à d'autres possibles, toutes ces expériences provisoires d'autodissolution conduiraient à l'autodestruction si ne se dessinait, comme une chance, le possible d'une vita nova.
La vita nova donne à l'apostasie un horizon existentiel.

Extrait de "Éloge de l'apostat, Essai sur la vita nova" de Jean-Pierre Martin
coll. Fiction & Cie, éd. Seuil, mars 2010

vendredi 19 mars 2010

Frédérick Houdaer vs Alain Fisette

Frédérick Houdaer (dit "le franco-belge")
vs
Alain Fisette (dit "le kébékois") !


Les deux auteurs s'affronteront lors d'une lecture poétique strictement

interdite aux moins de 18 ans
(il ne sera question que des rapports homme-femme)

le MARDI 23 mars
à 19h, à la librairie À plus d'un titre
(4 quai de la Pêcherie
69002 Lyon, métro Hôtel de ville).
Entrée libre.


la veille, le lundi 22 mars, de 18h à 21h,

Frédérick Houdaer dédicacera son

dernier recueil dans les locaux d'Aleph-Ecritures
(12 bis rue Aymé Collomb, Lyon

3ème).

dimanche 14 mars 2010

Origine, entre autres

Je viens d'un monde qui sent la limaille de fer
Je viens d'un monde où l'on enterre l'animal avec ses mains
Je viens d'un monde où le travail est salissant
Je viens d'un monde de mineurs et de maçons

La suite est longue

Je viens d'un monde qui s'éloigne

D'un temps qui me quitte

Pas de nostalgie
car je vis dans le monde de maintenant

Je viens d'un monde où le vin est abondant
et corrosif

Rouille
Belle rouille !

lundi 8 mars 2010

La nuit est longue aux insomniaques

1-
S'avance sur la scène, maigre bout d'arrogance
(Voix of) L'ascenseur est bloqué au trois centième étage!
Elle tient dans sa main une pince à vélo
Une pince à lover dans ses bras les chimères
Greffées un soir de pluie -ploc-ploc-ploc- et d'ennui
(Voix off) On étouffe! Il fait chaud! ça sent le renfermé!

2-
Elle donne à ses jambes des airs de matador
Elle voudrait réveiller ses colères apaches
(Voix offf) On décroche! On décroche! Appelez les pompiers!
La lance à incendie se repose en coulisse
Une lance à noyer dans ses yeux de Bengale
Rivières gourmandes, torrents carbonisés

3-
(Voix offff) L'alarme, je te dis! Appuie encore!
S'avance sur la scène, maigre bout d'innocence
Sa gorge a des relents de souvenirs joyeux
A la corde d'un arc, sa flèche empoisonnée
(Voix offfff) Si vous ne venez pas très vite on va s'écrabouiller!
Vise au front l'infortuné souffleur

4-
Exécution! La fille à la tête de lion
Bave un fâcheux sourire en lèvres effilées
S'avance sur la scène, maigre bout d'horrisible
(Voix offffff) ça grince! les cables vont bientôt péter!
Et tire à bout cinglant sur un ange innocent
Assoupi d'aise au premier rang des fauteuils d'orchestre

5-
Cauchemar! Le sang ruisselle, dessine une infime courbure
Entre deux talons richelieu!
Hauts cris de velours rouge, les rideaux s'enveniment
(Voix offfffff) Tant pis on va rater le début du spectacle...
La fille carnassière plante ses banderilles
De sa pince à vélo arrache les faux cils

6-
La belle a des allures de pouliche fiévreuse
Va d'un galop rapide aux premières rangées
Un souffle une vapeur embrume ses cheveux
(Voix offffffff) On met combien de temps pour tomber jusqu'en bas?
De sa pince à vélo arrache la semence
Des moquettes aristocrates - et tombe le silence

7-
(Voix offfffffff) On va tomber! On tombe! J'ai un pied dans la tombe!
La fille a posé l'ange sur le tapis de danse
Il lui reste trois plumes, un oeil cabossé
Enrubanné de bleu à la sauce aigre-douce
Une fiente d'oiseau collée à son épaule
Ci-gît sous les haubans un ange supplicié

8-
S'avance sur la scène maigre bout de revanche
(Voix offffffffff) AAAAAAAAAHHHHHHH!!!!!!! Splash
Fracassé l'ascenseur en bas de l'escalier
Dehors le vent du nord redouble d'insolence
Elle a pris son manteau et sa pince à vélo
Enjambé les débris de vers indigestes
Quand le matin s'annonce, un réveil à la main.

(Voix d'outre tombe) On aurait mieux fait de monter à pied

mercredi 3 mars 2010

bastringue et tour de vis


La roue s’élance. Au pas. Au pas. Au pas.
La vitesse se contient, rassemble ses forces pour mieux s’élever. Des lames mécaniques font tanguer mon vaisseau. Tout doucement d’abord, le siècle a mis à mal les rouages de mon engin. Puis le moteur se met en branle écrasant plusieurs nichés de chats coincés sous ses roues. Enfin, le bastringue nous délivre et sa rythmique écaillée couvre enfin les grincements des machines. Mon cœur en suspens pose les armes. Il se nourrit du rêve permanant qu’on lui mente. Il aime les histoires. Celles du baron de Münchhausen, de Phileas Fogg et du Taugenicht. Ses battements, fiévreux, accompagnent un décollage imminent. Dans l’obscurité du brouillard, mon regard se porte vers les astres radieux que je m’apprête à rejoindre.

Suis-je en vie ?

Les chevaux accélèrent. Je suis seul à bord. Ma carcasse étincelle au son des cuivres. Depuis le grand platane là-bas, je le sais, on ne voit que moi. Les grandes ailes rouges de ma Torpedo s’étirent. Narguant les planètes dont elle dépasse la course. Dans ce monde qui va de plus en plus vite, la foule se fige. J’aperçois cette petite fille. Sa frange, ses nattes. Avec sa grand-mère, sur les marches, au loin, du grand palais. C’est la femme que j’épouserais. Comment s’appelle t’elle ? Elle réapparaît toutes les huit secondes. La pellicule d’un film au ralenti. Je ferme mes yeux. Je compte. Lorsque j’ouvre mes paupières, elle est encore là.

Le carrousel progresse et s’envole. Son ressac me grise tandis que le piano à manivelle fige le brouhaha des plaisanciers qui se baffrent de gaufres. Au centre, l’armée des singes frappe des cymbales. Leurs rictus crissent. Ils font un tour et regagnent leur nichoir après chacun de mes passages. Réglés sur du papier à musique. Je m’enivre des sucres absorbés. Le manège s’élève au dessus de la ville. Je me laisse faire et deviens l’enfant qu’il porte. Quelque soit la valse et le train, je ne réussis à atteindre les chevaux derrière lesquels ma voiture galope. Mais ma joie à raison de cette contrariété. Ceux qui me suivent ne me rattrapent non plus jamais. Je lévite dans une apesanteur de gloire, et j’ai touché la lune. Une douzaine de fois.

Puis, subrepticement, vint un moment, je me rappelle très bien de ce moment où, au plus entraîné de sa course, il y a la première note décadente. Celle qui appelle la chute. Comme une tâche d’huile qui s’étend, la mécanique commence à se corrompre. Le mouvement qui l’entraînait il y a un instant à s’affranchir de sa lourde pesanteur, raidit et freine à présent l’ascension du carrousel. « Tu es libre de t’envoler, je vais t’aider à t’envoler. Mais tu ne voleras pas sans moi, ricane t’il. » C’est le sac de sable qui fait monter le bouchon de liège auquel il est attaché et qui précipite sa chute lorsque le bouchon finit par le dépasser dans les airs. Le chapeau de la cime tombe dans l’abîme. Sourds à mes appels, les chevaux ralentissent en effet. Leur fatigue sourde est inévitable. La cloche retentit. Engage t’elle les enfants environnant à venir se rapprocher ou agit-elle seulement à extirper les apprentis cosmonautes de leur rêve. La grisante chevauchée se fige petit à petit…

Et l’immobilisme finit par triompher de la campagne qui hier se soulevait toute entière…

Je doute à mon tour. Celle qui m’accompagne ce mercredi à nouveau, cette femme qui est ma mère, a-t-elle pensé à acheter plusieurs jetons ? Le tour du monde pour quelques pièces de fausses monnaies ne vaut-il pas d’en posséder des coffres entiers ?

Le cinéma, le cirque et même le théâtre sont invoqués par ma mère pour décrire le saut d’humeur qui m’anime alors. Traînant des pieds, j’exprime mon souhait de changer de famille. A notre retour, le chat étire ses babines. Poussière de moustache sur museau gris, Pistache donne à la lune qu’il mimait sur le grand fauteuil, des airs de Pompadour enfarinée.

La moindre idée


mardi 2 mars 2010

au jour le jour

chaque matin des 31 jours du mois de mars,
8 (h)auteurs se donnent le mot
pour un texte court, un dessin, un rébus, une photo...
à la fin, 248 productions
à lire, écouter, exposer, regarder, feuilleter...

le concept est à déguster à la galerie 4 Barbier de Nîmes
à qui nous l'avons emprunté

pour se mettre en appétit, les mots du jour :

tempête - maquis - taire - écart - marge - dimanche - phasme
saccage - caravane - bucher - voler - aiguille - scruter - capharnaüm - chiure - stupeur - faim - manivelle - océan - résultats - moleskine - zigzag - sang-froid - babil - cliché - osmose - désolé - mousse - animal - musique